Plus grandes ont été envers une âme les miséricordes de Dieu, plus cette âme doit craindre d’en abuser encore, sinon l’heure du châtiment sonnera : « A moi la vengeance, dit le Seigneur ; au temps marqué je ferai la rétribution. » (Dt 32,35). Quand une âme refuse de mettre fin à ses infidélités, Dieu se charge lui-même d’y mettre un terme.
Ah ! Seigneur, mon Dieu, je vous remercie de n’en avoir pas fini avec moi après tant de trahisons. Faites-moi comprendre combien je suis coupable d’avoir tant mis à l’épreuve votre patience ; donnez-moi le regret profond de vous avoir tant offensé. Non je ne veux plus jamais abuser de votre miséricorde. »
« Commets ce péché, tu n’auras qu’à le confesser. » Telle est la ruse employée ordinairement par le démon pour entraîner les âmes en enfer. Tant de chrétiens y gémissent, – à cette heure pour n’avoir pas su la déjouer !
« Le Seigneur attend, pour vous faire grâce » dit le prophète. Dieu, donc attend le pécheur afin que le pécheur se convertisse et rende ainsi possible l’exercice de la miséricorde. ; mais voit-il ce malheureux, au lieu d’employer ce temps de grâce à faire pénitence, s’en prévaloir pour multiplier ses infidélités… il n’attend plus, il le frappe impitoyablement à proportion de ses péchés.
Mon Dieu, pardonnez-moi, car je ne veux plus vous offenser. Eh quoi ! Pour me convertir, attendrai-je que vous me précipitiez en enfer ? Je vois bien que vous ne pouvez plus me supporter. Assez, assez d’outrage ! J’en suis profondément affligé, profondément contrit. J’espère mon pardon du sang que vous avez répandu pour moi.
C’est grâce à la miséricorde du Seigneur, que nous ne sommes pas anéantis » (Lm 3, 22).
Ce cri de reconnaissance doit s’échapper du cœur de quiconque eut le malheur de multiplier ses péchés. De quel remerciement n’est-il pas redevable à ce Dieu qui ne l’a pas fait mourir dans ce triste état ! Combien rigoureusement est-il tenu, par sa gratitude de ne plus l’offenser ! Autrement, le Seigneur lui jettera ce reproche à la face : « Qu’y avait-il à faire de plus à la vigne, que je n’aie pas fait pour elle » (Is 5,4). Ingrat, lui dira-t-il, ingrat dont les offenses sont innombrables, si tu les avais faites au dernier des hommes, il ne les aurait certainement pas supportées. Par contre, moi je t’ai répondu par de nouveaux bienfaits. Invitations, lumières, grâces du pardon, j’ai tout prodigué. Que pouvais-je faire de plus ? Le temps de la punition est arrivé ; celui du pardon , à jamais passé.
Ce reproche, combien de malheureux l’ont entendu de la bouche de Dieu ! Ils ont été engloutis par l’enfer, et ce qui met le comble à leur infortune, c’est précisément le souvenir des grâces reçues en abondance.
Moi aussi, ô Jésus, mon Rédempteur et mon Juge, j’ai mérité d’entendre le même langage indigné ; mais je sais que vous m’offrez encore le pardon : « Reviens au Seigneur ton Dieu » me dites-vous. Péchés, maudits péchés que j’ai commis, je vous déteste, je vous ai en horreur, c’est vous qui m’avez fait perdre mon bien-aimé Seigneur. a cette heure, mon Seigneur et mon Dieu, je reviens à vous de tout mon cœur. Je vous aime, ô mon souverain Bien ; et parce que je vous aime, je me repens de toute mon âme de vous avoir tant de fois méprisé. Mon Dieu, je ne veux plus vous déplaire, plus jamais ; donnez-moi votre amour, donnez-moi la persévérance.
Ô Marie, mon Refuge, secourez-moi.
SAINT ALPHONSE DE LIGUORI, La grande affaire de notre salut, Collection du Laurier, 2010, p. 21-24