Depuis le XVIe siècle, les enfants de chœur, déguisés et portant l’étoile de Bethléem, sillonnaient, pendant huit jours, les villages. Ils s’arrêtaient aux maisons pour y chanter un vieux cantique, une chanson de quête, de 14 strophes, qui racontait l’arrivée des Rois en Palestine. Ce chant rappelle les mystères du Moyen-Âge, petites piéces jouées sur les parvis des églises et des cathédrales : « Es kommen drei Könige aus dem Morgen -Land, sie kommen daher von Gott gesand … ».

Puis un des rois, prend la parole et dit : « Ich bin der kleine König gib mir nicht zu wenig, lasst mich nicht so lange stehen, wir müssen heute Abend noch weiter gehn ». Les familles qui les accueillaient, leur donnaient une pièce ou une tranche de gâteau appelée tranche du pauvre. Ils les remerciaient en chantant les paroles suivantes : « Ihr habt uns eine Bescherung gegeben, drum sollt ihr das Jahr mit freude erleben. Ihr und eure Kinder » et ils bénissaient leur demeure.

Si les familles refusaient de donner une obole, ce qui était très rare, les rois se faisaient carrément vulgaires : « Ihr habt uns keinen Taler gegeben, euch soll das Hemd dann am Arsch ankleben. Ihr und eure Kinder ». « Vous ne nous avez point donné d’argent, que la chemise vous colle au c… » .

Les rois, avant de quitter les lieux, rajoutaient à la craie sur chaque demeure pour signer leur passage « Christus Mansionem Benedicat », en abréger, ce qui veut dire : « Christ bénit cette maison« .

Cette visite des Rois est aussi célébrée dans une autre pièce de sept strophes du répertoire de chants lorrains, qui retrace leur quête jusqu’à Bethléem. Ce cantique célèbre leur hommage à l’Enfant de la crèche. Il s’instaure, un dialogue direct entre les mages et les anges qui, craignant qu’ils puissent s’égarer, leur prodiguent des conseils. Cette pièce met aussi en scène le roi Hérode, que la tradition populaire fait regarder par la fenêtre à l’instant où passent les Mages : «Sie reisen’s Herodes sein Haus vorbei. Herodes der schaut dem Fenster heraus ».

Il leur offre le gîte et le couvert et les interroge : « Warum ist bei euch der in der Mitte so schwarz ? », exprimant la fascination que devaient exercer les Noirs sur les paysans d’Occident. L’avant-dernière strophe de ce chant témoigne de l’admiration des Lorrains pour saint Joseph dont il souligne de façon imagée et populaire la grande bonté et l’amour pour Jésus : « Sankt Joseph zog sein Hemdelein aus. Und gibt es Maria : Macht Windelein draus ».

C’est cette version du « Voyage des mages » que nous interprétions dans les années 1960, dans notre village. Les petits cadeaux récoltés par les enfants, beignets, gâteaux étaient partagés par le curé de la paroisse. Cette tradition des Rois ou « Königskinderen » est aussi évoquée dans les riches archives de Saint-Avold. Les comptes de ville, en 1660, signalent que la ville leur versait une obole de dix francs.